Pico Soucolline

Le temps humide et chaud était celui qu'il préférait. Pieds nus, un bon bâton à la main, son paquet contenant différents trésors, Pico soucolline, partait en quête.

Encore jeune, il n'atteindrait sa majorité selon les usages de la Comté que dans une dizaine d'années, mais aventureux et curieux (ce qui entre nous n'est guère convenable pour un gentilhobbit...) Pico parcourt son pays, mettant un point d'honneur à découvrir les plus grands secrets des siens...

Usant de ruses et de stratagèmes, poursuivant dans l'ombre ses aînés, filant, fouillant, fouinant... Pico devient célèbre parmi les siens : JAMAIS il ne rentre bredouille quand il cherche vraiment des CHAMPIGNONS. Certains anciens le soupçonnent bien de visiter les coins qu'il pensaient secrets. Ses amis ragent en perdant sa trace sur le sentier, ne sachant jamais vraiment où il vagabonde... Et si d'aventure quelques légumes se trouvait sur son passage, il les empruntait de façon à ce qu'ils ne trainent plus!

Pico a une alliée, une alliée de taille.... sa tante Délia, demeurant sur les coteaux de Touque. Il quitte souvent Lézeau où il demeure avec ses parents, les mains vides, et quand il arrive devant le smial de sa tante, sa besace dodue sous le bras, la promesse d'un plat de champignons débordant et cuisiné comme nulle part en Terre du Milieu, fait saliver d'avance ses cousins et les voisins alentours. Il est vrai... Pico a un sacré don pour la chasse aux champignons. Alors certes, on le trouve un peu bizarre de ce côté ci d'Hobbitbourg. Mais c'est l'envie qui parle !

De coins en coins, de place en place, de ruisseaux en bosquets, Pico court, parcourt, reconnaît. Ses pas le mène de plus en plus loin... Voilà un mois il a passé le Brandevin. Sans y avoir pensé il s'est retrouvé à Bree. Les gobelins présents dans la région l'ont amené à être plus prudent. Il y a eu nécessité pour lui d'apprendre à se défendre, non plus contre les rongeurs, mais contre une engeance détestable. Rendez-vous compte : dans leur incommensurable bêtise les Gobelins écrasent les champignons et ne les savourent pas...

La rencontre de deux Elfes lui ouvrit les yeux sur son propre comportement : jamais dans sa famille on n'avait été aussi loin... Les dangers, ignorés en Comté, les luttes l'ont alors pris de court. Sont-ce les histoires de monsieur Bilbon Sacquet qui l'ont ainsi amené à n'être plus tout à fait comme il faut ? Est-ce le chagrin du meunier qui l'a changé?

Mais enfin, et si derrière ce taillis il pouvait trouver d'autres champignons ? Pico ramasse sa besace et discrétement, reprend le chemin...

Pico était assis sur le bord du chemin. Le jeune Hobbit, le regard vide, les plaies nombreuses, semblait regarder sans le voir l'immense champ de battaille qui s'étendait dans toutes les directions.

Il s'en voulait et souffrait en silence. Mais comment aurait-il pu savoir qu'il déclencherait tout cela... Comment pouvait-il prévoir que dans cette grotte où il ne croisait d'ordinnaire que quelques gobelins il trouverait cette armée ? Comment imaginer qu'à la place des champignons qu'il prélevait habituellement, il serait surpris pas des Wargs, des Orques, des Trolls... Si près de Bree...

Il s'en était sorti vivant.... un miracle. Sa discrétion et sa rapidité, son incroyable adresse l'avait sauvé. Il ne s'en était fallut que d'un cheveux et il était rentré, agonisant aux portes de Bree. Le voyage de retour avait été un véritable calvaire.

Un homme s'était inquiété de sa santé, il lui avait murmuré doucement qu'il fallait donner l'alerte. Des rôdeurs avaient enquêté, des elfes étaient venus en renfort. La battaille avait été affreuse. Blessé grièvement, malgrés quelques soins apportés, Pico était restait en retrait, sa pauvre fronde et son petit arc ne portant pas de dégats conséquents à l'ennemi.

Il s'était ensuite, à la faveur de la nuit aventuré sur le champ de bataille, il était tombé sur un gobelin qui faisait de même. Plus discret il l'avait discrétement liquidé et avait pris le sac dans lequel le "piétineur de champignons" avait amassé quelques objets...

Pico était assis sur le bord du chemin. Il leva un regard plein de larmes. Il comprit alors pourquoi les siens chérissaient tant la vie simple de la Comté. Retrouverait-il un jour cette simplicité ?

*assis dans l'arrière salle du Poney Fringant de Bree, un jeune hobbit, vêtu d'une robe d'allure elfique, manie sa plume avec élégance, couchant sur quelques parchemins reliés une écriture régulière...*

Par où commencer un journal ? J'ai toujours pensé que celà devenait l'activité de quelque vieil hobbit, lassé de la pinte du Dragon Vert, où d'une existence assidue au jardinage...

Je n'ai même pas la majorité des gens de chez moi. En Comté, je ne suis guère plus qu'un adolescent, selon un compte humain. Et pourtant. Voilà où m'a mené ma passion des champignons : à parcourir de nombreuses lieus, voir presque autant de chose que n'en aura vu Bilbon.

Le pire est peut-être que je commence à prendre goût à ces dangers. Ce qui me rassure c'est que je suis toujours aussi heureux de retrouver le confort douillet d'un smial ou d'une auberge. Et puis, dans ma petite poèle, au bord du chemin, les champignons fraichement découverts au fond d'une grotte ou sur le bord d'un précipice ont un autre goût...

Ce n'est pas pour relater mes "aventures" que je commence cet écrit, mais pour me retrouver moi-même. Que de chemins parcourus depuis quelques mois. Jamais je ne me saurai cru capable d'aller si loin, si souvent. Jamais je ne serai douté de mes aptitudes à me sortir de mauvais pas. Et quand un combat s'annonce, je ne fond plus si souvent dans le paysage.

Le Seigneur de Fornost m'a offert une bien belle épée, originaire de Rohan je crois. C'est ce qui m'a mis la puce à l'oreille. Une épée.... pas un cadeau qui convient à un Hobbit bien comme il faut, c'est un cadeau d'aventurier, de soldat... Un cadeau de hobbit aurait été un beau vêtement aux couleurs chamarées, aux pourpoings brodés, une canne taillée dans une belle branche bien droite, quelques beaux plants de tomates bien charnues, une blague à tabac pour y placer de cette excellente feuille de Longoulet... Une épée... Et là, j'ai compris au plaisir que je ressentais à ce cadeau que quelque chose de différent s'ouvrait en moi, comme une ombre qui se dissipe ou s'installe.

*Le hobbit pose sa plume et lève un instant les yeux pour contempler la vieille auberge. Tout n'est que discussion et rires. Il referme sur ses feuillets une belle couverture de cuir et enveloppe avec précaution le manuscrit avant de le glisser dans sa besace. Il lui faudrait bientôt trouver un logis plus adapté où il puisse laisser quelques affaires... Il se lève et s'approche du tenancier, commandant une pinte bien fraîche et deux plats du jours....*

Pico, le jeune hobbit, abrité sous une avancé de roc dans les monts brumeux, consignait avec précision ses récentes découvertes. Quelle aubaine que celle qui lui avait fait retrouvé le journal de son grand-père. Ce dernier avait quitté la comté il y a quelques années. Nul ne l'avait plus revu depuis. Pico avait rcupéré ses deux trésors : une vieille poêle et son journal.

Il avait été surpris dans un premier temps de voir jusqu'où la passion des champignons l'avait conduite. Il utilisait à présent les pages remisées dans le vieux cuir pour y écrire et détailler ses propres découvertes. Si les siens venaient à avoir connaissance de ce trésor, il aurait beaucoup de mal à le conserver...

Pico laissa la plume un instant et repensa à ce bon seigneur de Fornost. Il s'intéressait aussi aux champignons. Pico n'était pas dupe. C'était en grande partie par sympathie pour lui. Enfin, il lui avait montré deux ou trois coins, lui faisant promettre un secret absolu. Et il lui avait montré la magie de sa poêle, chantant quand elle parvenait à la bonne température : la cuisson des mets convoités ne pouvait mal se dérouler...

Le jeune hobbit pensa soudain à cette ombre qu'il avait rencontré dans les Galgals, un endroit sinistre mais qui regorgeait de champignons. Une ombre qui ne l'avait pas attaqué, une ombre qui l'avait protégé... Un mystère certain pour Pico qui ne comprenait pas trop ce que cela signifiait...

Le hobbit rangea le précieux ouvrage dans sa besace. Il escalada avec gourmandise et une vive agilité l'arbre situé non loin de là... un nid ! La promesse d'une délicieuse omelette...